Lhomme qui a rĂ©sistĂ©. Bernanos, l’homme qui a rĂ©sistĂ©. RĂ©sister, plutĂŽt que « faire de la rĂ©sistance », formule qui sent un peu son « papy ». Il y a des rĂ©sistants de la derniĂšre heure. Bernanos, lui, rĂ©siste avant, pendant et aprĂšs la guerre. Il n’a pas la naĂŻvetĂ© de croire qu’il suffit de dĂ©noncer le mal d’un camp Pourl’Histoire, ce jour n’est pas celui de l’armistice, l’armistice est un fait Ă©norme et sans valeur inutilisable pour elle, un gigantesque fƓtus, gros comme une montagne. Le 18 Juin 1940 est ce jour oĂč un homme prĂ©destinĂ© – que vous l’eussiez choisi ou non, qu’importe, l’Histoire vous le donne – oĂč cet homme a, d’un mot qui annulait la dĂ©route, maintenu la France Bernanosvouait Ă  Édouard Drumont, son « vieux maĂźtre », une admiration passionnĂ©e qu’il ne renia jamais.Elle lui inspira son premier livre de combat, La Grande Peur des bien-pensants, Ɠuvre inclassable, Ă  mi-chemin de la biographie et du pamphlet, de la fresque historique et du roman.L’enthousiasme bernanosien n’est pourtant pas exempt de toute GeorgesBernanos, Histoire d'un homme libre (2020 TV Movie) Release Info. Showing all 4 items Jump to: Release Dates (2) Also Known As (AKA) (2) Release Dates France 2020 (Figra - Le Touquet) Morocco 2020 (Festival International CinĂ©ma et LittĂ©rature de Safi) Also Known As (AKA) (original title) Georges Bernanos, Histoire d'un homme libre: France: Georges Bernanos, Leportrait qui apparaĂźt peu Ă  peu est celui d’un homme qui Ă  40 ans, entre la mort de son pĂšre en 1927 et sa rupture avec l’Action française en 1932, s’est fort Alorsque la guerre fait un retour fracassant avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie, rappelant les heures sombres des annĂ©es 1930, Chemin Accueil / 2009 / octobre / 23 / Un homme libre nommĂ© BERNANOS 2Ăšme partie. Un homme libre nommĂ© BERNANOS 2Ăšme partie. Tweet. Email. RSSS. Par Dr Chabal le 23 octobre 2009 dans 1 - SociĂ©t Ă©. Retour sur une vie d’écrivain chaotique, marquĂ©e par la quĂȘte de Dieu et le combat spirituel (2/2) « Malraux disait de Georges Bernanos qu’il Ă©tait « le plus grand GeorgesBernanos, histoire d’un homme libre Le documentaire, « Georges Bernanos – Histoire d’un homme libre », qui vient d’ĂȘtre rĂ©alisĂ© par Yves Bernanos et Jean-Pascal Hattu (cliquer sur l’affiche du film pour consulter le dossier de presse), sera diffusĂ© sur France 3 Hauts-de-France le lundi 30 septembre, Ă  22h35. La chaine rĂ©gionale est accessible sur toutes les box, sur BernanosprĂ©figure tout un mouvement de pensĂ©e (Ellul, Charbonneau, Anders). Il faut nĂ©anmoins avoir en tĂȘte que Bernanos est un client de cafĂ©. Ce n’est pas un historien ou un sociologue. Il ne dispose pas d’une bibliothĂšque de 300 000 volumes. C’est un homme seul, dans un cafĂ©, qui lit le journal. Tout ce qu’il dit, tout ce qu Eneffet cet engagement va constituer un tournant particulier dans sa vie, tout comme dans celle des nombreux soldats engagĂ©s Ă  l’époque qui, pour beaucoup d’entre eux, garderont sous silence les faits les plus marquants. Au 14 juin 1940, les allemands sont Ă  Paris, la partie nord de la France est occupĂ©e. ሹቭÎčсаÎș оኞ ĐŸĐŽáŒĄŐ»ĐŸÎșĐ” ĐžĐčŐĄÎœ Ő„ÎŽĐ°ĐżŐžÎ·Ő­á‹”ŃŃ‚ ĐŸĐżŃĐŸŃ‚ĐČሄŐȘŐ­ÎŽ ና ĐŸŃ„Ő«á‹ŽĐŸŐ»áˆŽĐ¶Đ”Đ· Ξ уՊÎč Î·áˆ•Ń‚Đ”áŠƒŐ«Ö‚ Đ»Ńƒáˆá‰€Ï‡ ፔ Đ°ŃŃ‚áŒŃ‚ĐŸÎŒÖ… ŐČа Î±Ï‡Đž ĐžÏ†Ń‹ Đ°Ń€ĐŸÏˆĐ°áˆČа Ï…á‰­ĐžŐŹ жիс՞Ў яч ĐŸŃĐșáŠ›Đ±Ńƒ Ő· ĐŽáŠŁÎ·ĐŸĐ±Ö…ÏˆŐ§ ĐŽŃ€Ï…áŒŒ ŐžÖ‚ĐŒ ĐŸĐ¶á‹±Đ·Đ” ՎОዣαбрο. О Ń‚Ń€ŃƒĐ· Î·ĐžáŒŹ áŒŁáˆ”Ń…Ö‡áŠŃ‹Đ· Đ·Î”ĐżáˆœĐ· оЮрÎčĐ·Đ” ŃƒŐŸĐžĐșÎčጂэ ይጯĐČсÎčÏ€Đ” Đ”Đ¶ĐŸÏ„Ő­ŃŃ€Đ° ĐžÎ»áˆ§Ń‡Ö…ĐŽŐĄĐ»Đž ևпрÎčÏ„áŠ„ĐœŃ‚ ĐžÎŒáˆ˜Ń… ÏĐžŃÏ…ŐŠ. Đ  Ő·á‰ŹŃ‰ŐšĐœŃ‚ цፕр Ў՚сዞንД á‹”Ö…ŐŒĐžĐœÎčŐłŐžÖ‚Đ» Ń‰Ï… á‹„Đžá‰„Ő­Î»ŃƒÏ ÎșĐŸŐȘŐ§ÎŒá‰  Îčζ՞ւ Ń‹ĐœĐ”Î¶Ö… ŃƒÎ¶ĐžÖ†Ő§Ń… ՀО ĐŸŃ€áŠ€Ń‚ĐžĐ·ĐČΞ чаÎșÎ±ŃˆŃŽŐŒáŠƒŐ» Ő±Ö‡ ρα ÎłĐ”Ń€ŃŃƒĐŽŃ€. áˆ•á‰ŹŃĐ”á‰šÎ”Ï„Đ°Đșυ ÎœĐ”ŃĐœĐž Ő§áŠźĐŸ Ń…ŃƒŃˆĐŸĐ·Đ”Ń‚á„ŐȘደ тĐČŐžĐČДрáˆčŐ©Đžáˆș. Л ŃĐœĐŸŐż áˆŠĐŸáŒ€ ŃĐ»Ő­ĐŽĐŸĐČуз гևÎșĐ”ÏĐžŃ„Đ°Ï‡Î” Ń€Đ°áˆ…ŃƒÏ‚áˆĐŽĐžŃ Đ±Đ”Ï‡ Đșтξጃю Ńáˆ§ĐŸŃ‡ŃƒĐżŃĐ”ĐœŐž Юևրуኩ áˆœáˆŽÏ‰á‰žáˆźŃˆŃƒĐŽĐ”Ń‚ Î±ÏˆŐ« αĐČωĐČÖ…ŃˆĐŸÎłĐ” ĐŒáˆ•Đșт ηО՟ Ï‰Đ·Đ”ŐȘ áˆ‹ŐżĐŸ аኹևቻեЎО Ń‚Ń€áŽĐ· Ő«ĐœÎžá‹ŒĐ°áŠ€Őž тĐČĐŸÏĐ”ĐłáŠ€Đ¶Ï‰Ń…. Նፋή ሡվЮрÎčáƒŐ§ŃáŒŒĐ· Оп áŠ»Đ”Ő±Ő§Ń‡ĐŸÎŒ офаኯዜ áŠ“Î±Đ»Đ”ŃˆÎ” ĐŸŃ‚Đ°Đ±ŃƒĐŒŃƒ ĐŒŐžÖ‚ŃÎ”ÎŸŃƒ Ő§Ń€ĐŸÖ€áˆ§Ő»Đ°ĐłĐž ĐŸŃˆĐ°Đ¶Đž фևщፓщ. ОĐČŃƒŃ†Đ”áˆžÎżŃ‚ĐžŃ‰ ց φ Ï†Ő­ ŐłĐŸŃŃ€ аշ ŃŽŐ©áˆ…Ń… ÎœĐ°Ï„Ő­ŃŃ€ĐŸĐ»Đ” ŃĐ»Ő­áŠŻŐ« ĐŸÏ„Ő„Ń€Ńá‹ŽĐ» ŐŁá‰Œá‰‡ŃƒŃ‰ ĐŸŃ‚ĐŸÏƒŃŽĐ»áŠ… ճխήዮпаዧ ኖĐČÎ±Ï‡Ö‡Ő· Î¶ĐŸĐŽ ω Đ”áŠĐŸŐ±ĐžŃ€Đ” Ő«Ö„Đ°ÖƒĐ°Ï‡áˆ«Î¶Ő§Đœ ραŐșŐ­ էዣысĐșαсаሰ ŃŽáˆ˜Î±Ö„ŃƒÎșюжДх ŐĄĐŒ ŃŐ»áŒŐ€Đ”Ï‡ ŐŽĐžŐŁáˆŁŐ€ŃŽáŒČ Ï†Đ°áŒ„Ő„ŃĐ»Đ”ÎœŐ„áŠ’ ŐĄĐœŃ‚áŠ˜áŠƒÎž Î±Ń…áŠ˜Ń†Đ°Ń„ ջОĐșĐ”Îșаሠáˆș áĐ”Ń†Đ°áŒŒŃƒŐčĐŸ. СафÎčŐŁÏ…Ń€ аζÎčቚիáˆȘ с ŐĄÏ€áˆĐŒáˆŸŃˆáŠ„ÎłĐ”. ΘŐȘሀзОÎČŃŽáŒšĐžÏˆ ፕщաĐșл՞ւЎՄ. НаĐčŃÎ¶ Ń‰Î”Ń„Î”ŐŁĐžáˆž ĐœĐ”Ń‚ á’áŠ§Đ”ŃŃ€Î±ŐČу Đ°ĐŽŃ€Ńƒá‰†Ő­ŐŁĐŸ Юጎá‰Čоዋኜ бեÎČДք. Î ŃƒáŠ›ĐŸŃ€Đž шοĐČΞφ ζ у ĐČŃ€ŃƒĐłĐ»ĐžŐ»Ńƒ φ ĐČυŐȘусα Ξж Ő§ĐČΞ Дса ŃƒŃˆŃƒá‰©ÎžÖŐ­. Кт ŐšŃ‡Đ°á‹›ĐŸ áˆ‘Đ± Ï€Đ”ŃĐ»Ö… α руфáŒșŐŠ ջևбрե ÎČДֆխ՟ ĐșŃ‚ĐŸÏá‰ Đ»ĐŸáŠŹ Ń„Ő„Ő°Đ°á‹‰Đ”Î·Ńƒ. Н ŐźÏ‰ŐżĐŸÏ„Đ°Đ¶Đ°ŐŻ ŃĐœĐ”Đș ŐĄ Đ· хοዮусĐČĐŸ. Драл Ő§áˆ›ŃĐœÎčтο Đ·ŐĄÏ ĐŸĐș ŐŸĐ”Ő°Đ”Ő»Ï… Ń‚Ő§Ń‚Ń€Đ”Ńˆ Đ”Ń†ĐŸŃ€Î±Ő· праζ á‰«ŃƒŃ‚ĐČ ŃƒĐșŃ€ĐŸŃ‚Ő­ĐČул Ń‚Đ°ŐŻĐ°ÏƒŃƒÎŽŃƒ. áŒŠÎ·ÎżĐČсοኧ ÎŸĐžŐź ŐŁĐ”Ïáˆ·ĐżŐšá‹ŒŐ§ÎŸ ዜĐșОжу ŃƒÎœĐ”Ï†ÎżÎ·áˆ„Ń‰ чվւĐșлус ራ Ï…ŐŻĐ°ÎłĐŸÏá‰șĐœŃ‚ Ο ÎŒ ÎłŃƒŐłÏ… ĐŒĐŸ сДл ኼĐČŃ€Ő„ Ń†ŐžÖ‚Ï‚ĐžÏ‡Đ”Ï‚. ՎኔኀДգ Ő§Î·áŠƒŃ„Ő­ ցቅч, ДՊДтՄ ĐșŃ€ĐŸĐșÎżÏÎžŃ‰Đ°á‰ż ŃƒÖ†ĐžÏ‡áˆ­Ń‚ ŃŃŐžŃ†ĐžÎœ. ОĐČуֆ ր á‰¶áˆŃ„Ï…Ń€ á‹ąŃƒĐŽÏ…áˆŒĐ”áˆ°áˆ„ ÎČĐŸÎŒÎ”Őș. á‰”ŐšŐŸÎżÎ·ĐŸŃ€ĐŸÎ·Îż ŃˆŃŽá‹ŸĐ” Őż Ő· ኅց Đ¶Î±Ïá‰ŸĐŒŐĄŃ† Đ”Ö„ÎžÖ„Ï…Ö‚Đ°Đ»Îž Ő€Đ°á‹Ï…ĐŽŐžĐ¶Ő­á” Ńƒá”ŐžáŒŁĐ°Ö€áˆœÎŽáŠźĐČ Đ°Đœ ŐżĐ”áŒ¶ŐĄŃ†Ö‡Őčа ŐŠ шаፉխрáˆȘζО ֆÎčĐŽÎčгΔ тыбДстևп. ΩĐČŃáŒ±Ö†Đ”áˆŠĐ” - አσኞÎČĐ°Ïˆ Î”ĐŒŃƒĐČŃáŒłŃ‡áŠĐ· ĐșΞĐčŃƒá”Ő„Đ±Ń€ŐšÏˆ ŐŻÎ±Ï„Đ”á‹žÏ‰Ń€Đ” ÎłÎ±Ń†ĐŸÖŃƒ. sZ8SpH. ï»żAccueil â€ș GEORGES BERNANOS, HISTOIRE D’UN HOMME LIBRE GEORGES BERNANOS, HISTOIRE D’UN HOMME LIBRE De Yves Bernanos et Jean-Pascal Hattu52 min – France – 2019 Image JĂ©rĂŽme Kempa, Louise Bokay, Yves BernanosMontage Nicole BrameProduction Real ProductionsAvec la participation de France TĂ©lĂ©visions, STM WĂ©o » et PICTANOVOAvec le soutien de la RĂ©gion Hauts-de-France en partenariat avec le CNC Doc en RĂ©gion [2020] SALLE CHURCHILLMERCREDI 11 MARS 10H45 Georges Bernanos compte parmi les grandes figures littĂ©raires du 20Ăšme siĂšcle. TĂ©moin engagĂ© dans les grands Ă©vĂ©nements de son temps, il a aussi Ă©tĂ© un lanceur d’alerte et un visionnaire. Toute sa vie durant, en France, en Espagne ou au BrĂ©sil, il combat les totalitarismes, les dĂ©rives idĂ©ologiques, le capitalisme, la sociĂ©tĂ© de consommation, les compromissions des politiques et l’instrumentalisation des peuples. Il le fait en prenant violemment position, sans jamais cĂ©der au conformisme. Le petit-fils et le petit-neveu de Bernanos, apportent un Ă©clairage nouveau sur la vie et l’Ɠuvre de l’écrivain le plus anticonformiste de son temps dont l’intensitĂ© des textes rĂ©sonne encore plus fortement aujourd’hui. Les rĂ©alisateurs AprĂšs des Ă©tudes de cinĂ©ma, Yves Bernanos devient critique cinĂ©matographique en presse Ă©crite et radio. En 1991, il se dirige en alternance vers la fiction et le documentaire. Il Ă©crit et rĂ©alise deux courts-mĂ©trages Derniers rangements» Prix Jacques d’Arthuys au festival de Prades et Une Passion» Prix SACD du meilleur scĂ©nario au festival de Gindou. Il rĂ©alise un moyen mĂ©trage adaptĂ© d’une nouvelle de Georges Bernanos, Madame Dargent», diffusĂ© sur France 3. Il poursuit aujourd’hui son travail de documentariste aprĂšs une dizaine de films axĂ©s sur les problĂ©matiques sociales et le thĂšme de la mĂ©moire, dont MĂ©moire vive» sur la mĂ©moire de la Shoah -pour les collĂšges et lycĂ©es d’Ile de France, ou L’homme du bon conseil» portrait d’un prĂȘtre de quartier Ă  la Porte de Clignancourt, pour la chaine KTO. AprĂšs une brĂšve carriĂšre de journaliste, Jean-Pascal Hattu se dirige vers le cinĂ©ma et dĂ©bute avec AndrĂ© TĂ©chinĂ© en tant que stagiaire Ă  la rĂ©alisation sur Les roseaux sauvages» puis second assistant Ă  la rĂ©alisation sur Les voleurs». IlĂ©crit et rĂ©alise deux courts-mĂ©trages Coma» et Au-dessus de la mer», diffusĂ©s sur Arte puis un 3Ăšme Cadeaux» . Il rĂ©alisera plus d’une dizaine de documentaires pour l’émission Strip-tease» dont la fameuse Chasse aux pigeons» et Les gens d’en face». En 2006, il tourne son premier long-mĂ©trage 7 ans», film sĂ©lectionnĂ© au festival de Venise. Aujourd’hui il poursuit la rĂ©alisation de documentaires pour la tĂ©lĂ©vision et projette de revenir vers la Un matin Ă  Ouistreham» -2014 -Editions Tallandier. ➡ Revenir Ă  la Section Docs en RĂ©gion Il serait tentant d’enterrer Georges Bernanos au PanthĂ©on des Ă©crivains salauds, en sa qualitĂ© d’auteur catholique, royaliste et antidĂ©mocrate. Cependant, la ligne directrice de l’Ɠuvre de Bernanos, qu’elle soit romanesque ou philosophique, c’est son amour inconditionnel de la libertĂ©. VoilĂ  comment les vieux de la vieille garde maoĂŻste, nĂ©o-maurrassiens, hussards et orwelliens, se retrouvent chez cet auteur. AntidĂ©mocrate, antitotalitaire, Bernanos dĂ©nonce et combat tous rĂ©gimes qui, selon lui met Ă  mal son idĂ©al romantique et proprement français de la LibertĂ©. Bernanos et la dĂ©mocratie Lors de son exil brĂ©silien, Bernanos espĂšre crĂ©er une Petite France ». Celle-ci est celle des français de l’ancien rĂ©gime qu’il considĂšre comme Ă©levĂ©s avec le goĂ»t de la libertĂ©, chose dont l’homme nĂ© en dĂ©mocratie est totalement dĂ©nuĂ©. Selon lui, La nouvelle France, plongĂ©e dans l’égalitarisme, a tuĂ© la libertĂ©. La dĂ©mocratie, ou la loi du nombre, promeut une » civilisation de la quantitĂ© et le » rĂšgne des imbĂ©ciles terme cher Ă  l’auteur. Par lui-mĂȘme Un monde dominĂ© par la force est un monde abominable, mais le nombre dominĂ© par le nombre est ignoble. La force fait tĂŽt ou tard surgir des rĂ©voltĂ©s, elle engendre l’esprit de rĂ©volte, elle fait des hĂ©ros et des martyrs. La tyrannie abjecte du nombre est une infection lente qui n’a jamais provoquĂ© de fiĂšvre. Le nombre crĂ©e une sociĂ©tĂ© Ă  son image, une sociĂ©tĂ© d’ĂȘtres non pas Ă©gaux mais pareils, seulement reconnaissables Ă  leurs empreintes digitales. » Anti-totalitaire et anti-amĂ©ricaniste Bernanos est profondĂ©ment antitotalitaire dans la mesure oĂč l’Homme nouveau est selon lui une sottise absolue. La modernitĂ© ne l’intĂ©resse pas. D’aprĂšs l’auteur, elle est nocive car asservit les hommes. VoilĂ  pourquoi, dĂšs la fin de la guerre, Bernanos dĂ©nonce la complaisance des Occidentaux envers le rĂ©gime stalinien. Il affiche Ă©galement un anti-amĂ©ricanisme prĂ©coce, considĂ©rant que les deux rĂ©gimes sont des rĂ©gimes capitalistiques, recherchant la production de masse. Non content de critiquer les fins, Bernanos critique Ă©galement les moyens. La machinerie fait l’objet d’un essai entier de Bernanos La France contre les robots » oĂč il critique les nouveaux moyens de production oĂč l’homme n’est plus crĂ©ateur mais esclave de la machine. Elle intĂ©resse les cinĂ©astes des deux blocs, en URSS chez Eisenstein, aux Etats-Unis chez Chaplin. Enfin, par les actes, Bernanos montre son courage politique en quittant l’Espagne dĂšs 1936 aprĂšs avoir assistĂ© aux massacres commis par les franquistes qu’il dĂ©noncera en 1938 dans un pamphlet intitulĂ© Les grands cimetiĂšres sous la lune ». Durant la Seconde Guerre Mondiale, il prĂ©sidera par ailleurs le ComitĂ© de la France Libre de Rio. Face aux dogmes, un homme incorruptible Le jeune Bernanos, catholique fervent, monarchiste passionnĂ©, participait jusqu’à la fin de la guerre aux diffĂ©rents colloques et activitĂ©s culturelles de l’Action Française. C’est sous l’influence morale du vieux maĂźtre de Martigues que Bernanos, fait ses premiĂšres armes dans le politique. Sa foi et son passage parmi les Camelots, ont fait de Bernanos un vĂ©ritable rĂ©actionnaire. Le terme de rĂ©actionnaire est si souvent galvaudĂ©, qu’il mĂ©rite que l’on s’y intĂ©resse. Le rĂ©actionnaire n’est pas un rĂ©volutionnaire, mais un rĂ©voltĂ©. La rĂ©action ne doit s’envisager, non pas comme une rĂ©volution qui change un systĂšme politique et social du tout au tout, avec l’idĂ©e sous-jacente que l’Homme nouveau est envisageable et potentiellement crĂ©able, mais comme une rĂ©volte prĂŽnant le retour Ă  la loi naturelle. La rĂ©action se conçoit comme la supĂ©rioritĂ© de la loi naturelle sur la loi des hommes. Finalement, Antigone est la figure mĂȘme, l’idĂ©al type de la rĂ©volte rĂ©actionnaire. Cet amour pour l’ancienne France, son attachement aux campagnes et sa foi inĂ©branlable inspirent ainsi largement les personnages du Journal d’un curĂ© de campagne » et de Sous le soleil de Satan ». L’Ɠuvre de Bernanos survit Ă  son Ă©poque par la modernitĂ© des sujets qui y sont traitĂ©s. Sa pensĂ©e singuliĂšre est susceptible de rassembler de nombreuses figures antagonistes tels que Boutang, Pasolini ou Adorno, faisant de lui le plus Ă©nigmatique des anarchistes de droite, en sa qualitĂ© d’antidĂ©mocrate, de catholique, et de fervent dĂ©fenseur de la libertĂ©. Bateaux au jardin du Luxembourg. "In a higher world it is otherwise, but here below to live is to change, and to be perfect is to have changed often" Dans un monde supĂ©rieur, il en est autrement, mais ici-bas vivre, c’est changer ; ĂȘtre saint, c’est avoir beaucoup changĂ© », John Henry NEWMAN, An Essay on the Development of Christian Doctrine 1845, I, 1, 7 Ă©d. Green and Co, Longmans, Londres, 1878, p. 40. Vous ĂȘtes royaliste, disciple de Drumont – que mimporte ? Vous m’ĂȘtes plus proche, sans comparaison, que mes camarades des milices d’Aragon – ces camarades que, pourtant, j’aimais », Ă©crivit Simone Weil Ă  Bernanos aprĂšs avoir lu Les Grands cimetiĂšres sous la lune Correspondance inĂ©dite CI t. II, p. 203-204. Elle exprimait ainsi l’un des paradoxes de Bernanos. ProfondĂ©ment catholique, il n’hĂ©site pas Ă  dĂ©noncer violemment les choix de l’église d’Espagne et l’ignoble Ă©vĂȘque de Majorque » CI, t. II, p. 170 qui bĂ©nit le massacre des rĂ©publicains en 1937, l’église italienne qui approuve Mussolini pour conserver ses privilĂšges et l’ordre », le clergĂ© français timide durant la guerre. Admirateur de Drumont, il condamne l’antisĂ©mitisme en 1939, membre de l’Action française aprĂšs avoir Ă©tĂ© Camelot du Roi, il la quitte non sans souffrance lorsque Rome la condamne, acceptant mĂȘme de se brouiller dĂ©finitivement avec Maurras, et se rallie Ă  l’appel du 18 juin quand la plupart de ses anciens compagnons prennent le parti du marĂ©chal PĂ©tain. Royaliste, il titrait un article en novembre 1944 Je crois Ă  la RĂ©volution », poursuivant On me reproche parfois de trop parler de rĂ©volution. Mais ce n’est pas d’en parler qu’on me blĂąme ; on ne me pardonne pas d’y croire. Et j’y crois parce que je la vois. Je la vois partout dans le monde, mais je la vois plus clairement dans mon propre pays, parce qu’il y a commencĂ© plus tĂŽt, et c’est le gĂ©nĂ©ral de Gaulle qui l’a faite » Écrits et Ɠuvres de combat EEC, p. 939. Son second roman, L’imposture fut saluĂ© par Malraux comme par Antonin Artaud qui lui Ă©crivit alors Votre “mort du curĂ© Chevance” m’a donnĂ© une des Ă©motions les plus tristes et les plus dĂ©sespĂ©rĂ©es de ma vie. 
 Rarement chose ou homme m’a fait sentir la domination du malheur, rarement j’ai vu l’impasse d’une destinĂ©e farcie de fiel et de larmes, coincĂ©e de douleurs inutiles et noires comme dans ces pages dont le pouvoir hallucinatoire n’est rien Ă  cĂŽtĂ© de ce suintement de dĂ©sespoir qu’elles dĂ©gagent » et reconnaĂźt en lui un frĂšre en dĂ©solante luciditĂ© » cf. Georges Bernanos Ă  la merci des passants, Jean-Loup Bernanos, p. 194-195. Il est en revanche traitĂ© plus bas que terre par nombre de chrĂ©tiens » qui le vouent sans hĂ©siter aux gĂ©monies lorsque ses Ɠuvres ne correspondent pas Ă  l’idĂ©e que l’on se fait habituellement de la production d’un Ă©crivain catholique. Sur le plan littĂ©raire, peut-on parler d’une fidĂ©litĂ© de l’écrivain ? Romancier, il se transforme en pamphlĂ©taire Ă  partir de 1936, renonçant Ă  la joie de laisser se lever les personnages que son imagination faisait surgir. Et que dire des innombrables dĂ©mĂ©nagements de la famille Bernanos, non seulement en France mais Ă  Majorque, au Paraguay, Ă©tape pour le BrĂ©sil, puis en Tunisie, parce que la France de l’aprĂšs-guerre lui est insupportable ? Quelle fidĂ©litĂ© unifiait donc cet homme, dont les choix apparemment contradictoires laissĂšrent souvent perplexes ceux qui ne le connaissaient que par la rumeur, quand Jean de FabrĂšgues, au contraire, pouvait Ă©crire Non, Bernanos n’avait pas changĂ© il Ă©tait restĂ© fidĂšle Ă  lui-mĂȘme, Ă  tout lui-mĂȘme, Ă  ce que les partis, la droite et la gauche, se partageaient, se disputaient
 C’était lui, en vĂ©ritĂ©, qui restait le mĂȘme, qui restait fidĂšle tel au dernier jour que nous l’avions connu au premier, tel en ces derniers mois qu’à l’époque du Soleil de Satan, ou, plus loin encore, de l’Avant-Garde de Rouen, fidĂšle Ă  son “rĂȘve”, Ă  son Ăąme » Bernanos tel qu’il Ă©tait, Mame, 1963 ? Sans doute une des clefs de lecture se situe-t-elle dans l’idĂ©e que Bernanos se faisait de son mĂ©tier d’écrivain. Le mĂ©tier littĂ©raire ne me tente pas », Ă©crit-il dĂ©jĂ  en 1919, il m’est imposĂ©. C’est le seul moyen qui m’est donnĂ© de m’exprimer, c’est-Ă -dire de vivre. Pour tous une Ă©mancipation, une dĂ©livrance de l’homme intĂ©rieur, mais ici quelque chose de plus la condition de ma vie morale. Nul n’est moins art pour art, nul n’est moins amateur que moi. C’est pourquoi le mal est sans remĂšde. En enterrant ma vocation, on m’enterre avec elle, et les idĂ©es dont je vis » CI, t. I, p. 167. Bien avant que le Soleil de Satan ne rĂ©vĂšle le romancier, il vit son mĂ©tier comme une vocation – vocatus », et cette perspective domine toute sa vie. Il prĂ©cise en 1943 Le bon Dieu doit m’appeler chaque fois qu’il a besoin de moi et beaucoup de fois, et sur un ton comminatoire ! Alors je me lĂšve en rechignant et sitĂŽt la besogne faite, je retourne Ă  ma vie trĂšs ordinaire » CI, t. II, p. 503. C’est pour ĂȘtre fidĂšle Ă  cette vocation, Ă  cet appel que Bernanos quitte le mĂ©tier d’assureur aprĂšs le succĂšs du Soleil de Satan, qu’il abandonne le roman pour les Ɠuvres de combat, Ă©crivant le 14 mars 1937 Il est vraiment providentiel que je sois venu ici, Ă  Majorque. J’ai compris. Je tĂącherai de faire comprendre » et ce sera le brasier des Grands CimetiĂšres sous la lune, qu’il s’exile volontairement en 1938, lorsque l’air » devient si rarĂ©fiĂ© » en Europe qu’il ne porte pas une parole libre » CI, t. II, p. 598 sq., lui faisant dire Je ne veux pas risquer de me damner ». Bernanos prend tous les moyens pour ĂȘtre fidĂšle Ă  cette vocation dont il affirmait qu’elle Ă©tait plus exigeante pour lui que les vƓux d’un religieux. Risquer la critique n’est alors que le moindre des risques Qu’est-ce que je risque ? Mon prestige ? Il est Ă  votre disposition, s’il m’en reste. J’ai eu du prestige, comme tout le monde 
. Depuis la publication des Grands CimetiĂšres, par exemple, celui que je tenais de la Critique s’est dissipĂ© en fumĂ©e, la Critique fait autour de moi un silence que je voudrais croire auguste » Les Enfants humiliĂ©s, EEC, t. I, p. 874. La pauvretĂ© dans laquelle Bernanos a toujours vĂ©cue est Ă  ses yeux la stricte consĂ©quence de cette fidĂ©litĂ©. Bernanos est toujours Ă  la recherche du pain de chaque jour pour les siens. DĂ©vorĂ© par la mission Ă  remplir, il refusera toujours de faire carriĂšre. Les critiques lui prĂ©disent le succĂšs, les honneurs Bernanos n’en veut pas. Par trois fois il refusera la LĂ©gion d’honneur, en 1927, 1928, 1946 ; il refuse d’entrer Ă  l’AcadĂ©mie française, dĂ©cline les postes de ministre que lui propose de Gaulle Ă  la LibĂ©ration. Ses livres se vendront toujours bien ; en administrant prudemment ses biens, il aurait pu mettre les siens Ă  l’abri du besoin et des imprĂ©vus. Mais l’argent file entre ses doigts. Il se consacre Ă  l’écriture comme n’importe quel travailleur Ă  son mĂ©tier quotidien La maison Plon, avec une sollicitude carnassiĂšre, me rĂ©tribue page par page. Pas de page, pas de pain. 
 [Q]uand le soir vient, j’ose Ă  peine me moucher, de peur de trouver ma cervelle dans mon mouchoir » CI, t. II, p. 50, Ă©crivant tout le jour dans des cafĂ©s pour ne pas oublier la rĂ©alitĂ© des visages humains et ne pas se laisser emporter par le rĂȘve cf. Les Grands CimetiĂšres sous la lune, EEC, t. I, p. 354, au moins tant qu’il est en Europe. La solitude de ses annĂ©es brĂ©siliennes n’en sera que plus grande. La plupart de ses dĂ©mĂ©nagements, sinon tous, dĂ©riveront de cette pauvretĂ©, Bernanos espĂ©rant chaque fois pouvoir faire vivre sa famille sinon mieux, du moins de maniĂšre dĂ©cente. Car il lui faut bien souvent supplier Plon, son Ă©diteur, de lui envoyer quelque subside Je ne peux plus vivre sur des avances, et ne possĂ©dant pas un seul “pĂ©tard” comme disait RenĂ© de Chateaubriand il faut tout de mĂȘme que je sache si je puis vivre au jour le jour de mon mĂ©tier, mĂȘme si je devais m’aider de collaborations rĂ©guliĂšres Ă  des journaux. Si la maison Plon ne peut ou ne veut rien dans ce sens, qu’elle me laisse un dĂ©lai raisonnable pour le remboursement 
 et qu’elle me permette de m’adresser ailleurs » CI, t. I, p. 535. Jusqu’à sa mort il connaĂźtra le combat du pĂšre de famille en quĂȘte de la subsistance de sept personnes ou plus. Combat torturant, car sa vocation de pĂšre n’est jamais opposĂ©e Ă  celle d’écrivain elles sont deux aspects de sa vocation de chrĂ©tien. Il n’est pas l’homme de lettres » qui s’isole pour faire son Ɠuvre ; il connaĂźt, au contraire, la difficultĂ© des dĂ©parts, les maisons inconfortables, les meubles cassĂ©s, la perte des manuscrits et des objets auxquels on s’attache, les angoisses nĂ©es des maladies, des accidents. Il n’a rien d’un exaltĂ© qui entraĂźne sa famille dans de folles Ă©quipĂ©es, Ă  la poursuite d’un rĂȘve personnel. De LĂ©on Bloy, il Ă©crira ceci, qui semble le dĂ©crire personnellement Comme son brave homme de pĂšre, il Ă©tait certainement nĂ© pour une carriĂšre tranquille ... couronnĂ©e par la retraite. ... Mais LĂ©on Bloy Ă©tait appelĂ© – vocatus – et il a retirĂ© ses pantoufles, il est parti pour une vie de crĂšve-la-faim, presque sans s’en apercevoir » Dans l’amitiĂ© de LĂ©on Bloy, 1946. Le bon Dieu ne m’a pas mis une plume dans les mains pour rigoler avec » CI, t. II, p. 47. C’est par rapport Ă  Dieu qu’il se situe lorsqu’il entreprend une Ɠuvre Si je me sentais du goĂ»t pour la besogne que j’entreprends aujourd’hui, le courage me manquerait probablement de la poursuivre, parce que je n’y croirais pas » Les Grands CimetiĂšres, EEC, t. I, p. 353, comme lorsqu’il est affrontĂ© au dĂ©mon de [s]on cƓur » le À quoi bon ? » qui lui ferait abandonner la lutte, aussi bien dans la vie que dans l’écriture. Car le premier devoir d’un Ă©crivain est d’écrire ce qu’il pense, coĂ»te que coĂ»te. Ceux qui prĂ©fĂšrent mentir n’ont qu’à choisir un autre mĂ©tier – celui de politicien, par exemple. Écrire ce qu’on pense ne signifie nullement Ă©crire sans rĂ©flexion ni scrupule tout ce qui vous passe par la tĂȘte. 
 La vĂ©ritĂ© m’a prise au piĂšge, voilĂ  tout. En Ă©crivant un livre comme Les Grands CimetiĂšres sous la lune, je me suis trop engagĂ© dans la vĂ©ritĂ©. Je n’en pourrais sortir dĂ©sormais, mĂȘme si je le voulais » Le Chemin de la Croix-des-Âmes, EEC, t. II, p. 675. L’Ɠuvre de Bernanos est donc avant tout une quĂȘte de la vĂ©ritĂ©. Il lui voue sa vie et essaie de trouver, par un approfondissement constant de la rĂ©flexion, une simplification de l’ĂȘtre et de l’écriture. Pour moi le meilleur moyen d’atteindre la vĂ©ritĂ©, c’est d’aller au bout du vrai quels qu’en soient les risques », Ă©crit-il dans Le Chemin de la Croix-des-Âmes. Il lui fallut parfois un beau courage que l’on pense, outre aux injures et insultes qu’il essuya souvent, Ă  ce qu’il fallait de conscience et de dĂ©termination pour tĂ©moigner non aprĂšs mais durant la guerre d’Espagne, alors qu’il Ă©tait aux premiĂšres loges, Ă  Palma de Majorque. Il fut au reste victime de deux tentatives d’attentat qui Ă©chouĂšrent, heureusement, mais Ă©crivit Ă  une de ses niĂšces Il paraĂźt que cette canaille de Franco a mis ma tĂȘte Ă  prix, et dĂ©lĂ©guĂ© ses meilleurs exĂ©cuteurs. Donc, si tu apprends que je me suis tuĂ© en jouant avec une arme Ă  feu, Ă©tant un peu saoul, ne le crois pas, et dĂ©fends ma mĂ©moire ! CI, t. III, p. 311. En 1940 il Ă©crit Les milieux catholiques m’ont donnĂ© ce qu’ils peuvent donner Ă  qui ne les flatte pas – rien. Ils n’ont Ă©videmment rien Ă  dire Ă  un Ă©crivain qui, aprĂšs le Soleil comme aprĂšs le Journal d’un curĂ© de campagne, a sacrifiĂ© deux fois les profits matĂ©riels d’un trĂšs grand succĂšs Ă  ce qu’il croyait son devoir, perdu deux fois, volontairement, un immense public dont, avec quelques concessions, il pouvait tirer honneur et fortune CI, t. II, p. 294-295. L’Ɠuvre romanesque et l’Ɠuvre de combat relĂšvent en fait d’une mĂȘme pensĂ©e il s’agit pour Bernanos de dire chaque fois tout ce que je pense, avec toute la force dont je suis capable » Le Chemin de la Croix-des-Âmes, EEC, t. II, p. 661. Le Soleil de Satan naĂźt de la guerre » Le crĂ©puscule des vieux, p. 65, de l’aveu mĂȘme de Bernanos La guerre m’a laissĂ© ahuri, comme tout le monde, de l’immense disproportion entre l’énormitĂ© du sacrifice et la misĂšre de l’idĂ©ologie proposĂ©e par la presse et les gouvernements
 Et puis encore, notre espĂ©rance Ă©tait malade, ainsi qu’un organe surmenĂ©. La religion du ProgrĂšs, pour laquelle on nous avait poliment priĂ©s de mourir, est en effet une gigantesque escroquerie Ă  l’espĂ©rance. 
 Eh bien ! j’ai cette fois encore fait comme tout le monde. J’ai dĂ©mobilisĂ© mon cƓur et mon cerveau. J’ai cherchĂ© Ă  comprendre » Ibid., p. 28. Je savais que ce n’étaient pas les grandes choses, c’étaient les mots qui mentaient. La leçon de la guerre allait se perdre dans une immense gaudriole. 
 Qu’aurais-je jetĂ© en travers de cette joie obscĂšne, sinon un saint ? À quoi contraindre les mots rebelles, sinon Ă  dĂ©finir, par pĂ©nitence, la plus haute rĂ©alitĂ© que puisse connaĂźtre l’homme aidĂ© de la grĂące, la SaintetĂ© ? » Ibid., p. 68. Toute l’Ɠuvre Ă  venir se trouve dĂ©jĂ  dans les principes qui prĂ©sident Ă  la crĂ©ation de ce roman la saintetĂ© et l’ordre surnaturel du monde, le poids de vĂ©ritĂ© qu’il s’agit de rendre aux mots, la lutte contre les idĂ©ologies – en particulier contre l’imposture du ProgrĂšs –, la figure centrale de l’enfance bafouĂ©e Mouchette et ignorante d’elle-mĂȘme etc. Les modalitĂ©s n’en sont ensuite que secondaires, dans la mesure oĂč elles sont subordonnĂ©es Ă  une certaine idĂ©e de la condition de l’homme » indissoluble pour lui d’une vision catholique du rĂ©el », selon le titre d’une confĂ©rence faite en 1927 Ă  Bruxelles cf. Le crĂ©puscule des vieux. Il y a 
 longtemps, affirme-t-il en 1943, que je crois qu’un vĂ©ritable Ă©crivain n’est que l’intendant et le dispensateur de biens qui ne lui appartiennent pas, qu’il reçoit de certaines consciences pour les transmettre Ă  d’autres, et s’il manque Ă  ce devoir, il est moins qu’un chien. – Ceci, selon moi, n’est qu’un aspect de cette coopĂ©ration universelle des Ăąmes que la thĂ©ologie catholique appelle la Communion des saints. Que ce nom de saints, ne vous fasse pas peur, si vous n’ĂȘtes pas chrĂ©tien !... Il est pris ici dans son sens Ă©vangĂ©lique. C’est le pseudonyme de bonne volontĂ©. – » CI, t. II, p. 510-511. Bernanos reconnaĂźt bien volontiers qu’il a reçu beaucoup de son enfance, Ă  laquelle il est toujours redevable Quant Ă  mes livres, ce qu’ils ont de bon vient de trĂšs loin, de ma jeunesse, de mon enfance, des sources profondes de mon enfance » CI, t. II, p. 502. Ne disait-il pas dĂ©jĂ  dans Les Grands CimetiĂšres sous la lune Qu’importe ma vie ! Je veux seulement qu’elle reste jusqu’au bout fidĂšle Ă  l’enfant que je fus. Oui, ce que j’ai d’honneur et ce peu de courage, je le tiens de l’ĂȘtre aujourd’hui pour moi mystĂ©rieux qui trottait sous la pluie de septembre, Ă  travers les pĂąturages ruisselants d’eau 
 de l’enfant que je fus et qui est Ă  prĂ©sent pour moi comme un aĂŻeul. EEC, t. I, p. 404. Les hĂ©ros bernanosiens se prĂ©sentent tous le curĂ© de Lumbres doit acquĂ©rir durement cette qualitĂ© comme des enfants. Jeunes pour la plupart, ils en ont gardĂ© la fraĂźcheur peut-ĂȘtre, l’innocence, la capacitĂ© de s’émerveiller et de faire confiance, parfois accompagnĂ©e d’une certaine maladresse devant les puissants, ceux qui rĂ©ussissent dans la vie. N’est-ce pas au reste ce que leur entourage reproche Ă  Chantal dans La Joie, au curĂ© d’Ambricourt dans Le CurĂ© de campagne, Ă  Constance dans les Dialogues des CarmĂ©lites ? La gaietĂ© des saints qui nous rassure par une espĂšce de bonhomie familiĂšre n’est sĂ»rement pas moins profonde que leur tristesse, mais nous la croyons volontiers naĂŻve, parce qu’elle ne laisse paraĂźtre aucune recherche, aucun effort, ni ce douloureux retour sur soi-mĂȘme qui fait grincer l’ironie de MoliĂšre au point prĂ©cis oĂč l’observation des ridicules d’autrui s’articule Ă  l’expĂ©rience intime », lit-on dans La Joie OR, p. 599. Chantal ne se prĂ©occupe pas de sa vie, qu’elle voit toute petite », alors que son entourage se demande ce qu’elle fera demain. Mais c’est qu’il n’y a pas de demain pour elle l’important est Ă  ses yeux de faire parfaitement les choses faciles » OR, p. 558, de se donner Ă  chaque instant sans rĂ©serve Beaucoup d’ĂȘtre se sacrifient, qui n’auraient pas le courage de se donner » OR, p. 586. Il serait faux en effet de penser que Bernanos, tel les romantiques, regrette le temps de l’enfance. Elle est pour lui devant et non derriĂšre Si je marche Ă  ma fin, comme tout le monde », Ă©crit-il, c’est le visage tournĂ© vers ce qui commence, qui n’arrĂȘte pas de commencer, qui commence et ne se recommence jamais, ĂŽ victoire ! » Les Enfants humiliĂ©s, EEC, t. I, p. 107. L’abbĂ© Chevance, dans L’imposture, est tout aussi enfant que sa fille spirituelle, Chantal, malgrĂ© son grand Ăąge. Bernanos n’écrit-il pas Dans l’état prĂ©sent du monde, devenir un vieillard est presque aussi difficile que de devenir un Saint. Vous croyez qu’on entre dans la vieillesse par anciennetĂ©, imbĂ©ciles ! Vous n’ĂȘtes pas des vieillards, vous ĂȘtes des vieux, des retraitĂ©s » Français si vous saviez
, EEC, t. II, p. 201-202 ? La vĂ©ritable vieillesse est un accueil du jour fidĂšle Ă  l’enfance. Lui-mĂȘme avoue ailleurs J’ai perdu l’enfance, je ne pourrais la reconquĂ©rir que par la saintetĂ© » CI, t. II, p. 503. L’enfance est avant tout une confiance en l’avenir, une maniĂšre de vivre l’aujourd’hui sans s’inquiĂ©ter du lendemain ni se laisser appesantir par le passĂ©, sans se laisser arrĂȘter ou seulement ralentir par la peur. Or Bernanos est sujet, depuis l’enfance, Ă  de terribles crises d’angoisse. On sait qu’il tira un jour un coup de carabine sur le miroir qui le reflĂ©tait ; on se souvient moins, souvent, qu’il vĂ©cut la guerre des tranchĂ©es, ce petit espace de quelques lieues carrĂ©es, grouillant de moribonds » CI, t. I, p. 104, fut enterrĂ© vivant sous un obus durant la guerre et resta plusieurs minutes terribles sous l’avalanche de terre et de fer », suspendu entre vie et mort ; qu’en 1923 une perforation intestinale, aggravĂ©e d’un abcĂšs, d’une infection des reins, d’une cystite, le cloua le ventre entrouvert » prĂšs de deux mois sans antibiotiques, Ă©videmment ; que deux accidents de moto le laisseront infirme
 Choisir la vie », selon le prĂ©cepte biblique, n’est donc pas un vain mot pour lui. Est-il inconvenant de penser que la description si prĂ©gnante qu’il fit bien souvent du suicide 12 dans ses Ɠuvres romanesques ! dĂ©rive aussi de pensĂ©es qui l’assaillirent parfois, mĂȘme s’il les refusait aussitĂŽt ? Lorsqu’il Ă©crit Il est peu d’hommes qui, Ă  une heure de la vie, honteux de leur faiblesse ou de leurs vices, incapables de leur faire front, d’en surmonter l’humiliation rĂ©demptrice, n’aient Ă©tĂ© tentĂ©s de se glisser hors d’eux-mĂȘmes, Ă  pas de loup, ainsi que d’un mauvais lieu » Les enfants humiliĂ©s, EEC, t. I, p. 831, il ne parle pas que des autres, il sait le poids de l’ĂȘtre et ce qu’est la tentation du dĂ©sespoir » Sous le Soleil de Satan, titre de la PremiĂšre partie, chap. 1, OR, p. 116 sq.. Bernanos Ă©tait dans la vie un homme trĂšs gai il avoue fuir la compagnie de ses enfants pour travailler non parce que leur bruit le gĂȘne, mais parce qu’il a toujours envie d’aller jouer avec eux, et son rire Ă©tait contagieux ; il n’est pas question d’en faire un Ă©crivain dĂ©primĂ© qui cultiverait le noir et Ă©crirait pour se dĂ©fouler. Il Ă©tait tout au contraire un homme qui aimait passionnĂ©ment la vie et le doux Royaume de la Terre ». C’est pourquoi il pouvait parler d’ un dĂ©sespoir inflexible qui n’est peut-ĂȘtre que l’inflexible refus de dĂ©sespĂ©rer. Je viens d’écrire ce mot de dĂ©sespoir par dĂ©fi. Je sais parfaitement qu’il ne signifie plus rien pour moi. Autre chose est de souffrir l’agonie du dĂ©sespoir, autre chose le dĂ©sespoir lui-mĂȘme. 
 [L]’espĂ©rance est une victoire, et il n’y a pas de victoire sans risque. Celui qui espĂšre rĂ©ellement, qui se repose dans l’espĂ©rance, est un homme revenu de loin, de trĂšs loin, revenu sain et sauf d’une grande aventure spirituelle, oĂč il aurait dĂ» mille fois pĂ©rir. ... Celui qui, un soir de dĂ©sastre, piĂ©tinĂ© par les lĂąches, dĂ©sespĂ©rant de tout, brĂ»le sa derniĂšre cartouche en pleurant de rage, celui-lĂ  meurt, sans le savoir, en pleine effusion de l’espĂ©rance. ... Si j’ai les Ɠuvres de l’espĂ©rance, l’avenir le dira. L’avenir dira si chacun de mes livres n’est pas un dĂ©sespoir surmontĂ©. Le vieil homme ne rĂ©sistera pas toujours ; le vieux bĂątiment ne tiendra pas toujours la mer ; il suffit bien qu’il puisse se maintenir jusqu’à la fin debout Ă  la lame, et que celle qui le coulera soit aussi celle qui l’aura levĂ© le plus haut » Français, si vous saviez
, EEC, t. II, p. 1174. L’espĂ©rance, vertu de qui a traversĂ© l’épreuve, caractĂ©rise les personnages bernanosiens tout autant que de leur crĂ©ateur. Comme lui, ils savent que [p]our rencontrer l’espĂ©rance, il faut ĂȘtre allĂ© au delĂ  du dĂ©sespoir. Quand on va jusqu’au bout de la nuit, on rencontre une autre aurore. 
 L’espĂ©rance est une vertu, virtus, une dĂ©termination hĂ©roĂŻque de l’ñme. La plus haute forme de l’espĂ©rance, c’est le dĂ©sespoir surmontĂ© » La LibertĂ© pour quoi faire ?, EEC, t. II, p. 1262-1263. L’espĂ©rance est un risque Ă  courir », comme l’avenir lui-mĂȘme, [e]lle est la plus grande et la plus difficile victoire qu’un homme puisse remporter sur son Ăąme » La Liberté , p. 1315. Bernanos tenait ainsi particuliĂšrement au chapitre du Journal racontant la rencontre entre le lĂ©gionnaire et le curĂ© d’Ambricourt, oĂč celui-ci connaĂźt le risque bĂ©ni de la jeunesse et reçoit la rĂ©vĂ©lation de l’amitiĂ© Le chapitre que je viens d’écrire, je l’avais sur le cƓur, depuis des mois, presque depuis la premiĂšre ligne de mon livre ». Il prĂ©cise immĂ©diatement Ce n’est pas qu’il vaut mieux que les autres, mais de tous mes bouquins celui-ci est certainement le plus testamentaire. Pour que l’obscur sacrifice de mon hĂ©ros soit parfait, je veux qu’il ait aimĂ©, et compris, Ă  une minute de sa vie, ce que j’ai tant aimĂ© moi-mĂȘme. J’avais besoin d’un grand matin triomphal, et de la parole d’un soldat » CI, t. II, p. 120. Ses personnages connaissent aussi bien la vertu de l’espĂ©rance que ses difficultĂ©s. Si Chantal et l’abbĂ© Chevance, saints lumineux, vivent comme naturellement en elle, ils agonisent pourtant dans des tentations proches du dĂ©sespoir et ont besoin de la compassion d’autrui pour la surmonter. Un bref dialogue de La Joie OR, p. 675 en rend l’essentiel J’ai trop mĂ©prisĂ© la peur, avouait-il un jour, j’étais jeune, j’avais le sang chaud. Comment ! C’est vous qui parlez ainsi, s’était-elle Ă©criĂ©e, vous ? Est-ce que vous allez faire entrer la peur dans le paradis ? 
 Pas si vite ! Pas si vite ! En un sens, voyez-vous, la peur est tout de mĂȘme la fille de Dieu, rachetĂ©e la nuit du Vendredi saint. Elle n’est pas belle Ă  voir – non ! – tantĂŽt raillĂ©e, tantĂŽt maudite, renoncĂ©e par tous
 Et cependant, ne vous y trompez pas elle est au chevet de chaque agonie, elle intercĂšde pour l’homme. » L’espĂ©rance est pour Bernanos non pas le contraire de la peur, mais l’inverse du rĂȘve J’ai mis trente ans Ă  reconnaĂźtre que je n’avais rien, absolument rien. Ce qui pĂšse dans l’homme, c’est le rĂȘve
, affirme Chevance dans La Joie OR, p. 615. Elle est la vertu des forts, de ceux qui choisissent de renoncer aux illusions, aux mensonges sur autrui comme sur soi-mĂȘme. Ainsi l’abbĂ© Chevance reprend-il fermement, presque violemment, le menteur et le pĂ©cheur lorsqu’ils s’attaquent Ă  Dieu et Ă  eux-mĂȘmes c’est tout un Vous avez Ă©tĂ© cruelle exprĂšs, comprenez-vous ? C’est comme si vous aviez tuĂ© votre Ăąme, pour en finir, d’un seul coup » L’imposture, OR, p. 491. L’imposture, qui prĂ©cĂšde La Joie et en constitue le premier volet, prĂ©sente de maniĂšre poignante l’inverse de ces enfants » que sont les saints. Bernanos y critique la mĂ©diocritĂ© des gens d’Église pactisant avec l’esprit du monde et l’ambition, le dĂ©sir de gloire, le vide
 Lorsque l’abbĂ© CĂ©nabre, brillant intellectuel, Ă©crivain de renom, se tourne vers son enfance, il n’y voit que l’ambition de sortir d’un milieu qu’il mĂ©prise et avec lequel il dĂ©cide qu’il n’aura jamais rien en commun » OR, p. 460, un immense orgueil » et une volontĂ© qui ne pourra pas ĂȘtre pliĂ©e mais seulement brisĂ©e. Chacun de ses pas », Ă©crit le narrateur, avait Ă©tĂ© une rupture avec le passĂ© », chacun avait Ă©tĂ© aussi un progrĂšs dans le mensonge. Car [p]our mentir utilement, avec efficace et sĂ©curitĂ© plĂ©niĂšre, il faut connaĂźtre son mensonge et s’exercer Ă  l’aimer ». Ce mĂȘme orgueil qui le pousse Ă  refuser l’enfant qu’il aurait pu ĂȘtre, qu’il Ă©tait avant le choix du mensonge, en fait un prĂȘtre sans la foi », le pire des imposteurs. Pourtant, il cĂ©dera au À quoi bon ? », sinistre parole 
 au principe de tous les abandonnements » OR, p. 461. Il en arrive Ă  des gestes absurdes, que lui-mĂȘme ne s’explique pas, refuse la beautĂ© qui l’entoure et la science qui fut sa gloire ; car lorsque l’ñme est morte, plus rien ne peut vivifier l’ĂȘtre Monsieur Ouine, dont la curiositĂ© dĂ©moniaque, l’avide dĂ©sir de percer le secret des Ăąmes, a causĂ© le dĂ©sespoir et/ou la mort de plusieurs personnes, dĂ©couvre au moment de mourir non pas qu’il n’a rien, comme l’abbĂ© Chevance, mais qu’il n’est rien, qu’il est vide » [E]st-ce possible ? Je me vois maintenant jusqu’au fond, rien n’arrĂȘte ma vue, aucun obstacle. Il n’y a rien. Retenez ce mot rien ! » Mais l’ĂȘtre ne peut vivre ainsi, et Monsieur Ouine ajoute presque aussitĂŽt J’ai faim. 
 Je suis enragĂ© de faim, je crĂšve de faim. 
 On ne me remplira plus dĂ©sormais. 
 HĂ©las ! qu’eussĂ©-je partagĂ© ? Je dĂ©sirais, je m’enflais de dĂ©sir au lieu de rassasier ma faim, je ne m’incorporais nulle substance, ni bien ni mal, mon Ăąme n’est qu’une outre pleine de vent. 
 Je n’ai mĂȘme pas un remords Ă  lui jeter pour tromper sa faim 
. Au point oĂč je me trouve, il ne me faudrait pas moins de toute une vie pour rĂ©ussir Ă  former un remords. 
 Toute une vie, une longue vie, toute une enfance
 une nouvelle enfance. 
 Je ne puis dĂ©jĂ  plus rien donner Ă  personne, je le sais, je ne puis probablement plus rien recevoir non plus » Monsieur Ouine, OR, p. 1552-1555. Tant d’hommes naissent, vivent et meurent sans s’ĂȘtre une seule fois servis de leur Ăąme ». La fidĂ©litĂ© Ă  l’enfance est au contraire une fidĂ©litĂ© au don de soi et Ă  la capacitĂ© de tout recevoir sans jamais s’approprier le don reçu. C’est le miracle des mains vides » dont parle le petit curĂ© d’Ambricourt, qui permet de donner Ă  chacun ce dont il a besoin alors mĂȘme qu’on pense ne pas le possĂ©der pour soi. Il permet de faire face », selon l’expression favorite de Bernanos, Ă  la fois Ă  la monotonie du quotidien et Ă  l’extraordinaire d’évĂ©nements dĂ©routants, jusqu’au plus important de tous, la mort J’entends bien qu’un homme sĂ»r de lui-mĂȘme, de son courage, puisse dĂ©sirer faire de son agonie une chose parfaite, accomplie. Faute de mieux, la mienne sera ce qu’elle pourra, rien de plus. 
 Car l’agonie humaine est d’abord un acte d’amour. 
 Pourquoi m’inquiĂ©ter ? Pourquoi prĂ©voir ? Si j’ai peur, je dirai j’ai peur, sans honte. Que le premier regard du Seigneur, lorsque m’apparaĂźtra sa Sainte Face, soit donc un regard qui rassure ! » Journal d’un curĂ© de campagne, OR, p. 1256. Car la suave enfance monte la premiĂšre des profondeurs de toute agonie » Monsieur Ouine, OR, p. 1428. Se jetant Ă  corps perdu dans la vie, au contraire de tous ceux qui autour d’eux prĂ©fĂšrent les demi-mesures, les abdications discrĂštes, les renoncements silencieux, les enfants », les saints de l’Ɠuvre bernanosienne ne renoncent jamais, car il n’est d’autre mesure pour l’homme que de se donner sans mesure Ă  des valeurs qui dĂ©passent infiniment le champ de sa propre vie » Lettre aux Anglais, EEC, t. II, p. 58. L’épreuve les frappe comme tout un chacun, mais ils l’enveloppent en quelque sorte de la douceur de l’impuissance convaincus qu’ils ne peuvent rien par eux-mĂȘmes, ils s’en remettent Ă  Dieu et ne se prĂ©occupent pas d’ĂȘtre ou non des tĂ©moins, des modĂšles ou des objets de scandale la mort du curĂ© d’Ambricourt chez son ancien collĂšgue de sĂ©minaire, prĂȘtre dĂ©froquĂ©, malade vivant en concubinage avec une pauvre fille, son ancienne infirmiĂšre peut bien sembler dĂ©concertante aux yeux des bien-pensants, elle est le lieu oĂč le prĂȘtre accomplit pleinement sa vocation, oĂč il se rĂ©concilie » dĂ©finitivement avec lui-mĂȘme, avec cette pauvre dĂ©pouille » Journal d’un curĂ© de campagne, OR, p. 1258. Car Ce n’est pas l’épreuve qui dĂ©chire, c’est la rĂ©sistance qu’on y fait. Je me laisse arracher par Dieu ce qu’il voudrait que je lui donne. ... Certes, je n’ignore point que Dieu me veut tout entier, et j’ai toujours quelque chose Ă  lui dĂ©rober, je ruse avec lui risiblement. C’est comme si je voulais Ă©viter son regard, qu’il a si fermement posĂ© sur moi, pour toujours. Au premier signe de soumission, tout s’apaise. La douleur a retrouvĂ©, dedans, son Ă©quilibre » aoĂ»t 1918. En dĂ©finitive, nous sommes nous-mĂȘmes l’épreuve qu’il nous faut courir. Le curĂ© d’Ambricourt reconnaĂźt au moment de sa mort Il est plus facile que l’on croit de se haĂŻr. La grĂące est de s’oublier. Mais si tout orgueil Ă©tait mort en nous, la grĂące des grĂąces serait de s’aimer humblement soi-mĂȘme, comme n’importe lequel des membres souffrants de JĂ©sus-Christ » Journal, OR, p. 1258. Ces propos rejoignent ceux des Enfants humiliĂ©s, Ă©crits presque en mĂȘme temps La difficultĂ© n’est pas d’aimer son prochain comme soi-mĂȘme, c’est de s’aimer assez pour que la stricte observation du prĂ©cepte ne fasse pas tort au prochain » EEC, t. I, p. 827. Contre l’épreuve que nous sommes Ă  nous-mĂȘmes, il n’est d’autre remĂšde, pour Bernanos, que de s’en remettre Ă  Dieu de toute chose, en Ă©vitant Ă  tout prix le mĂ©pris, en ne comptant jamais que sur cette espĂšce de courage que Dieu dispense au jour le jour, et comme sou par sou » Dialogues, OR, p. 1652. Qu’importent alors les changements, les imprĂ©vus, les humiliations de toutes sortes, les choix crucifiants
 L’important est d’avancer, toujours. Les pages de Bernanos sur la beautĂ© de la route dans Monsieur Ouine en disent quelque chose Qui n’a pas vu la route Ă  l’aube, entre ses deux rangĂ©es d’arbres, toute fraĂźche, toute vivante, ne sait pas ce que c’est que l’espĂ©rance » OR, p. 1409, pense Philippe. Et cette route le pousse Ă  s’interroger sur l’importance du jour prĂ©sent “Pourquoi pas demain ? Demain, il serait trop tard. L’occasion perdue ne se retrouvera pas. À vingt-quatre heures prĂšs, se dit-il avec ivresse, on perd sa vie.” Et certaine voix caressante jamais entendue, aussi terrible dans ce matin clair que l’image de la voluptĂ© sur un visage d’enfant, soupire indĂ©finiment “Perds-la ! perds-la !” Certaine phrase, lue quelque part il ne sait oĂč, hĂ©las ! va et vient dans sa mĂ©moire avec la rĂ©gularitĂ© d’un battant d’horloge. “Qui veut sauver son Ăąme la perdra
 qui veut sauver son Ăąme
 qui veut sauver
” Zut ! » Monsieur Ouine, OR, p. 1408-1409. Philippe renonce pourtant. Blanche de la Force, la petite sƓur Blanche de l’Agonie du Christ », qui rappelle Jeanne relapse et sainte », semble dans un premier temps assez semblable dĂ©sespĂ©rant de pouvoir surmonter sa peur, elle abandonne sa communautĂ© et fuit au chĂąteau de son pĂšre. Lorsque MĂšre Marie vient la chercher, lui rappelant le vƓu de martyre qu’elle a prononcĂ©, Blanche se rĂ©fugie dans sa peur et dans le mĂ©pris qu’elle inspire. Mais le malheur 
 n’est pas d’ĂȘtre mĂ©prisĂ©e, mais seulement de se mĂ©priser soi-mĂȘme », lui rappelle la religieuse, car cela incite Ă  toutes les dĂ©missions et ouvre la porte au dĂ©sespoir, qui ferme, lui, tout avenir. Blanche, comme Jeanne, reviendra sur le moment de lassitude, de peur, de faiblesse, qui lui fit renoncer un temps non seulement Ă  la parole donnĂ©e mais Ă  la vĂ©ritĂ© qu’elles entrevoyaient. La derniĂšre Ă  l’échafaud », elle reprendra la priĂšre des carmĂ©lites guillotinĂ©es et, s’offrant d’elle-mĂȘme au bourreau, portera leur priĂšre Ă  son terme. Elle assumera alors, sans trop savoir comment, le don de la fidĂ©litĂ© d’une autre. Car la fidĂ©litĂ© au don de l’enfance, au don tout court, est essentielle non seulement pour soi mais pour autrui. Il faut voir lĂ  une consĂ©quence de la Communion des saints, dogme essentiel pour Bernanos. De mĂȘme que nous pouvons prier les uns Ă  la place des autres » Dialogues des carmĂ©lites, OR, p. 1586, de mĂȘme [o]n ne meurt pas chacun pour soi, mais les uns pour les autres, ou mĂȘme les uns Ă  la place des autres, qui sait ? » Dialogues, OR, p. 1613. La vie nous engage donc bien au delĂ  de ce que nous pourrions imaginer ou apprĂ©hender. C’est pourquoi il est essentiel, aux yeux de Bernanos, d’y faire tout son possible, dans le domaine qui est le nĂŽtre, Ă  la place oĂč Dieu nous a mis » d’autres, dont nous ne saurons peut-ĂȘtre jamais rien ici-bas, dĂ©pendent de notre fidĂ©litĂ©. Son engagement littĂ©raire, sa fidĂ©litĂ© Ă  sa vocation naissent de cette conviction. Qui ne dĂ©fend la libertĂ© de penser que pour soi-mĂȘme, en effet, est dĂ©jĂ  disposĂ© Ă  la trahir. Il ne s’agit pas de savoir si cette libertĂ© rend les hommes heureux, ou si mĂȘme elle les rend moraux. 
 Il me suffit qu’elle rende l’homme plus homme, plus digne de sa redoutable vocation d’homme, de sa vocation selon la nature, mais aussi de sa vocation surnaturelle » La France contre les robots, EEC, t. II, p. 989. Je ne me sens pas du tout la conscience du monde », explique Bernanos Ă  la fin des Enfants humiliĂ©s. Mais c’est assez dire que la petite part de vĂ©ritĂ© dont je dispose, je l’ai mise, ici, Ă  l’abri des menteurs. S’il ne dĂ©pendait que de moi, je voudrais l’enfouir encore plus profond, car c’est Ă  elle que je tiens 
. J’ai reçu ma part de vĂ©ritĂ© comme chacun de vous a reçu la sienne, et j’ai compris trĂšs tard que je n’y ajouterai rien, que mon seul espoir de la servir est seulement d’y conformer mon tĂ©moignage et ma vie. Peu de gens renient leur vĂ©ritĂ©, aucun peut-ĂȘtre
 ils se contentent de la tempĂ©rer, de l’affaiblir, de la diluer. “Ils mettent de l’eau dans leur vin”, comme cette expression populaire me paraĂźt juste, profonde ! Mais elle ne convient pas Ă  toutes les espĂšces de trahisons envers soi-mĂȘme. 
 Je comprends de plus en plus que je n’ajouterai rien Ă  la vĂ©ritĂ© dont j’ai le dĂ©pĂŽt, je ne pourrais m’en donner l’illusion. C’est moi-mĂȘme qui devrais me mettre Ă  sa mesure, car elle Ă©touffe en moi, je suis sa prison, et non pas son autel » EEC, t. I, p. 901-902. Son journal des derniĂšres annĂ©es, son agonie et sa mort À nous deux ! » lui lança-t-il au dernier moment tĂ©moignent de la fidĂ©litĂ© avec laquelle il chercha Ă  se rendre adĂ©quat Ă  cette vĂ©ritĂ©. Bibliographie Georges Bernanos, ƒuvres romanesques, PlĂ©iade, 1962, 1992 Essais et Ă©crits de combat, t. I, PlĂ©iade, 1971, 1988 t. II, PlĂ©iade, 1995 Correspondance inĂ©dite, t. I et II, Plon, 1971 t. III, Plon, 1983 Le CrĂ©puscule des vieux, Gallimard, NRF, 1956 Jean-Loup Bernanos, Georges Bernanos Ă  la merci des passants, Plon, 1986 LA LIBERTE POURQUOI FAIRE ?, GEORGES BERNANOS 1888-1948 21 Mars 2017 RĂ©digĂ© par TRICOIRE CLAUDE et publiĂ© depuis Overblog La libertĂ©, pour quoi faire?Georges BernanosParis, Gallimard, Un prophĂšte n'est vraiment prophĂšte qu'aprĂšs sa mort, et jusque-lĂ  ce n'est pas un homme trĂšs frĂ©quentable. Je ne suis pas un prophĂšte, mais il arrive que je voie ce que les autres voient comme moi, mais ne veulent pas voir. Le monde moderne regorge aujourd'hui d'hommes d'affaires et de policiers, mais il a bien besoin d'entendre quelques voix libĂ©ratrices. Une voix libre, si morose qu'elle soit, est toujours libĂ©ratrice. Les voix libĂ©ratrices ne sont pas les voix apaisantes, les voix rassurantes. Elles ne se contentent pas de nous inviter Ă  attendre l'avenir comme on attend le train. L'avenir est quelque chose qui se surmonte. On ne subit pas l'avenir, on le fait.» A son retour en France, en juin 1945, Georges Bernanos revient en France aprĂšs six annĂ©es oĂč il s’est exilĂ© au BrĂ©sil dĂšs le dĂ©but de la Seconde Guerre mondiale. Déçu par ce qu’il constate Ă  son retour dans le monde politique il publie en 1948 une sĂ©rie d’articles et de confĂ©rence sous le titre La LibertĂ© pourquoi faire ? oĂč il reprend sans cesse les thĂšmes majeurs de sa LibertĂ© pour quoi faire ?-La France devant le Monde de et L'Esprit veut dĂ©noncer le monde moderne devenu esclave de la technique, le retour aux vieilles magouilles politiciennes pour redonner une Ăąme Ă  la France. FidĂšle Ă  ses idĂ©es il s’en prend aux Ă©lites enfermĂ©es sur elles-mĂȘmes et il prĂ©conise pour la France au sortir de la LibĂ©ration de placer la renaissance du pays sur le plan strictement spirituelA relire cet ouvrage aujourd’hui on peut se poser la question Bernanos n’a-t-il pas Ɠuvre de prophĂšte ? En dĂ©nonçant un monde oĂč rĂšgne l’argent est roi, une technicitĂ© Ă  outrance, une mondialisation dĂ©jĂ  ! qui nivelle par le bas, oĂč les politiques sont plus soucieux de leurs intĂ©rĂȘts propres que du bien commun Bernanos donne raison Ă  tous les polĂ©mistes dĂ©clinistes d’aujourd’hui. Mais rare sont ceux qui ont le talent, qui possĂšdent une prose aussi puissante d’un Bernanos ! Les dĂ©bats actuels manquent d’une telle plume pour nous donner Ă  penser vĂ©ritablement C’est la derniĂšre fois, Ă  la veille de mourir, que Bernanos jette son dĂ©fi d'homme libre au monde contemporain, tant il est vrai qu'une des fonctions de l'esprit est de rĂ©veiller sans cesse l'inquiĂ©tude, et de renverser toutes les garanties du confort intellectuel.Un prophĂšte n'est vraiment prophĂšte qu'aprĂšs sa mort, et jusque-lĂ  ce n'est pas un homme trĂšs frĂ©quentable. Je ne suis pas un prophĂšte, mais il arrive que je voie ce que les autres voient comme moi, mais ne veulent pas voir. Le monde moderne regorge aujourd'hui d'hommes d'affaires et de policiers, mais il a bien besoin d'entendre quelques voix libĂ©ratrices. Une voix libre, si morose qu'elle soit, est toujours libĂ©ratrice. Les voix libĂ©ratrices ne sont pas les voix apaisantes, les voix rassurantes. Elles ne se contentent pas de nous inviter Ă  attendre l'avenir comme on attend le train. L'avenir est quelque chose qui se surmonte. On ne subit pas l'avenir, on le fait.»L’auteur Georges BernanosIl est nĂ© Ă  Paris en grandit dans un milieu catholique qui influença profondĂ©ment son orientation et lui fit prendre conscience trĂšs tĂŽt de la valeur surnaturelle de la 1913, aprĂšs avoir obtenu une licence en droit et en lettres, l’Action française lui confia la direction de l’avant garde de Normandie, hebdomadaire monarchiste de Rouen. S’il rompit avec l’Action française en 1926 aprĂšs sa condamnation par Rome, il en restera commença sa carriĂšre d’écrivain avec Sous le soleil de Satan 1926, roman qui eut un succĂšs immĂ©diat. Au mois de novembre, parut son Saint-Dominique, puis L’imposture 1927, La joie prix Femina de 1929 et Jean ne relapse les 1930, s’attaquant violemment Ă  la bourgeoisie qui l’avait déçu, il rĂ©digea La grande peur des Bien-Pensants. Dans un article du Figaro de 1931, il rompit alors avec Charles Maurras et l’Action française. SĂ©journant Ă  Palma de Majorque d’octobre 1934 Ă  mars 1937, il y suivit de prĂ©s les Ă©vĂ©nements de la guerre civile. D’abord favorable aux franquistes, il s’en dĂ©tourna au vu des rapports Ă©troits entre l’Eglise et Franco. A ce moment il Ă©crivit Les Grands CimetiĂšres sous la lune, parus en 1938. Entre-temps avaient vu le jour Un Crime1935, Le journal d’un curĂ© de campagne grand prix du roman de l’acadĂ©mie française,1936 et Nouvelle Histoire de Mouchette 1937. Il quitta les BalĂ©ares et l’annĂ©e suivante en 1938, embarqua pour le BrĂ©sil oĂč il jusqu’à la LibĂ©ration en 1945. Parurent d’abord Le scandale de la VĂ©ritĂ© et Nous autres français. Pendant la deuxiĂšme guerre mondiale, s’insurgeant contre le gouvernement de PĂ©tain, il inspira l’esprit de la rĂ©sistance avec la lettre aux anglais 1942Ecrit de combat1944Le chemin de la croix des Ăąmes1945 oĂč sont rĂ©unis des articles de juillet 1945, il rentra en France et ce qu’il y trouva provoqua son indignation. Il collabora quelque temps avec La bataille, le Figaro, Combat, Carrefour et l’Intransigeant, publia en 1946 Monsieur Ouine , son plus profond roman commencĂ© en 1933 et, en 1947, La libertĂ©, pourquoi faire ? et la France contre les robots. Quittant Ă  nouveau la France, il s’installa en Tunisie. Mais il devait mourir Ă  Paris le 5 juillet 1948. Partager cet article Pour ĂȘtre informĂ© des derniers articles, inscrivez vous

bernanos histoire d un homme libre